Addis Ababa, Ethiopia & the Horn of Africa in Ancient Photography & Maps ⎢ Addis-Abeba, l'Éthiopie & la Corne de l'Afrique dans la photo et les cartes anciennes

Mois : février 2010

Exposition d’anthropologie au Musée du Quai Branly

La Fabrique des Images 


Après Qu’est-ce qu’un corps ? et Planète métisse, la 3e grande exposition d’anthropologie du musée du quai Branly propose au public de découvrir une « fabrique des images » qui touche les 5 continents. Avec 160 oeuvres et objets, elle invite à un décryptage des grandes productions artistiques et matérielles de l’Humanité pour révéler ce qui ne se voit pas d’emblée dans une image.

Cette compréhension des images se fonde sur 4 grands modèles iconologiques créés par l’Homme, au-delà de tout classement géographique ou chronologique, que ce soit en Afrique, dans l’Europe des XVe- XVIe siècles, dans les Amériques des Indiens d’Amazonie ou des Inuit d’Alaska, jusque dans l’Australie des Aborigènes. L’exposition dévoile ces 4 modèles – traduisant 4 grandes visions du monde – que sont le totémisme, le naturalisme, l’animisme et l’analogisme.

Avec la Fabrique des images, le visiteur découvre les différents principes de déchiffrement selon lesquels les civilisations voient le monde et en rendent compte.

Du mardi 16 février 2010 au dimanche 17 juillet 2011 
Commissariat : Philippe Descola, anthropologue, directeur d’études à l’EHESS et professeur au Collège de France 

Réflexions quant au concept d’ « Art Premier » et sa fabrication…

ARTS PREMIERS / MUSÉE DU QUAI BRANLY

Que recouvre ce terme d’ « Arts Premiers » ? Pourquoi le Musée Branly ne semble-t-il pas s’attacher à cette appellation à la mode ?  
La dernière question, vous l’avez compris, semble indiquer mon manque d’enthousiasme pour l’appellation d’origine incontrôlée qu’est « Arts Premiers ». Le terme a vu le jour et s’est développé comme une traînée de poudre dans les années quatre-vingt-dix. Initialement, il était question des Arts Primitifs mais le mot « primitif », lourd d’un passé colonial et paternaliste, a laissé place à la réflexion lexicologique alors que l’anthropologie se lavait de son ethnocentrisme. Jusqu’à l’avènement des « Arts Premiers », les spécialistes désignaient cette matière par « Arts non-européens » (ou extra-européens), alors que les marchands et collectionneurs échangeaient de l’art tribal.
L’une ou l’autre appellation est discutable. Tout contenu générique est par définition amené à être critiqué dès lors qu’il est confronté au cas particulier. Tous les arts tribaux ne sont pas non-européens ; les productions lapones, par exemple, qui sont tribales et européennes. Tous les arts non-européens ne sont pas tribaux pour autant, et j’en appelle à la production artistique contemporaine chinoise pour en témoigner. Sans vouloir pinailler, il faut reconnaître que les « Arts non-européens » sont une désignation commode et intellectuellement satisfaisante.
Faut-il sacrifier la science au marketing ? La mode récente pour les productions artistiques non-européennes, l’art dit tribal, ne pouvait se satisfaire d’un terme aussi peu sexy et lourd que celui scientifiquement admis (les « arts non-européens »). D’autre part, « tribal » avait une connotation éculée dont une nouvelle tendance s’accommoderait assez mal. Il s’agissait donc de dépoussiérer l’appellation, faire table rase de l’ombre des marchands d’art et ainsi avoir un nouveau « produit » à disposition.
D’où vient cet engouement récent pour les productions non-occidentales ? La réponse à cette question est certainement plurielle, fruit d’une étude socio-commerciale plus approfondie. La vitesse de communication accrue depuis les années quatre-vingt, le monde devenu un village pour reprendre l’expression consacrée, sont des éléments qui ont contribué au recul des frontières intellectuelles et culturelles. La recherche d’exotisme n’a cessé de croître, tant dans les arts qu’au niveau de l’artisanat de pacotille.
Si vous consultez le site web du Musée du Quai Branly (http://www.quaibranly.fr), admirable institution au demeurant, vous ne trouverez aucune mention des « Arts Premiers ». Sa définition, telle que la fait apparaître une recherche sur Google, est simplement « Le musée du quai Branly présente des collections d’objets des civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. »
Il n’est fait aucune allusion tant à l’art qu’à « premier ». D’ailleurs, quelle serait la définition à apporter à l’art ? L’art est-il l’apanage d’une production à vocation purement esthétique ? La conscience de l’art précédait ou présidait-elle la fabrication de tous les objets présents dans les collections ? C’est dire que l’usage du mot « art » en ethnologie est périlleux lui-même. Que les objets soient revêtus de qualités esthétiques évidentes n’en font pas des œuvres d’art pour autant. Et surtout, le concept d’œuvre d’art tend à occulter –alors qu’il serait souhaitable de le souligner- le rôle joué par ces artefacts. C’est l’aspect fonctionnel qui devrait être mis en exergue ; c’est la fonction qui véhicule tout le sens conscient permettant la compréhension de l’objet.
Quant à « premier », que faut-il comprendre ? Et surtout, de « premier » à « primitif » il y a un pas que le Quai Branly semble résolu à ne pas franchir, même en faisant étape à « primordial » !

Du Créationnisme… Foi ou Raison ?


L’année Darwin est passée et elle fut une bonne raison de s’intéresser au débat qui ne fait que se rallumer : créationnisme versus évolutionnisme. Cependant, il y a une raison plus urgente de le faire : c’est le retour en force des créationnismes, non seulement au niveau mondial, mais chez nous en France et en Belgique en particulier.

Je voudrais ici rappeler quelques faits.

En 1796, Laplace publie « L’exposition du système du monde », ouvrage ayant pour but d’expliquer la naissance du système solaire. Il donne la première hypothèse de la naissance simultanée du Soleil et des planètes à partir d’un même nuage de gaz et de poussières en rotation. Napoléon fit remarquer à Laplace: « Votre travail est excellent mais il n’y a pas trace de Dieu dans votre ouvrage », Laplace lui répondit : « Sire, je n’ai pas eu besoin de cette hypothèse ».

Le mot créationnisme apparaît au 19ème siècle aux Etats-Unis, désignant les mouvements anti-évolutionnistes apparus dans les églises évangélistes nord-américaines. Dans ce sens étroit, « créationnisme » désigne l’affirmation de l’acceptation intégrale du récit biblique de la création (la Genèse).

Après plus d’un siècle de reformulation et développement, le discours créationniste a suivi les évolutions de la science et revêt des formes multiples, des formes les plus fondamentalistes aux plus flexibles, acceptant toute évolution à condition que celle-ci soit guidée par une transcendance. Au début des années 1990, apparaît aux Etats-Unis un nouveau mouvement créationniste : l’Intelligent Design (dessein intelligent). Ce dernier a largement été évoqué dans la presse francophone depuis l’été 2005.

Le créationnisme, revêtu d’un apparat scientifique, ne rejetant pas la théorie de l’évolution mais l’inféodant à une transcendance est la réelle menace contemporaine. Cela, d’autant plus que la communauté scientifique est divisée et que la moindre faille dans la recherche sert aux détracteurs à réduire la validité de la théorie darwinienne. D’autre part, n’est-il pas tentant de combler les vides encore inexpliqués par un petit coup de pouce d’un créateur omniscient ?

La menace créationniste, qui semblait loin de la Belgique et de la France, et plus particulièrement vue comme un phénomène de la société protestante américaine, s’est maintenant précisée.

Ainsi que la presse s’en est faite l’écho, le créationnisme avance sur tous les fronts mais avant tout dans l’enseignement. Il est d’origine chrétienne, juive ou musulmane.

Dans un article du 18/11/08, le journal Le Monde s’interroge : « La France serait-elle partie en guerre contre les créationnistes, dont les idées progressent un peu partout dans le monde? 
A l’initiative du ministère de l’éducation nationale, du Collège de France et de la Cité des sciences et de l’industrie, ils étaient en tout cas plusieurs centaines à débattre, les 13 et 14 novembre 2008 à Paris, de la difficulté croissante à enseigner la théorie de l’évolution. Et ce bien au-delà des Etats-Unis, berceau, depuis Darwin, du créationnisme.

L’attaque la plus frontale date du début de l’année 2007. Dans de nombreux pays d’Europe, lycées, collèges et universités reçoivent sans l’avoir demandé un luxueux ouvrage illustré, l’Atlas de la création. Edité et imprimé en Turquie, il prétend démontrer que l’évolution n’est pas une doctrine scientifique mais de la propagande antireligieuse. Son auteur, Harun Yahya -de son vrai nom Adnan Oktar-, dirige une organisation au financement obscur, dont le principal objectif est de promouvoir le Coran.

C’est dans ce contexte que s’est terminée « l’année Darwin » avec bien moins de pompes qu’à son ouverture. La menace reste entière mais les créationnistes peuvent se réjouir de voir cette lutte de la science contre le dogme retourner à l’ombre.


Suggestions de lecture :

 
  

Thomas LEPELTIER, Darwin hérétique, Seuil, 2007
Jacques ARNOULD, Dieu versus Darwin, Albin Michel, 2007
Pascal PICQ, Lucy et l’obscurantisme, Odile Jacob, 2007
Michael DENTON, Evolution, une théorie en crise, Flammarion, 1992
Cyrille BAUDOUIN & Olivier BROSSEAU, Les créationnismes, une menace pour la société française ?, Syllepse, 2008
Cédric GRIMOULT, Mon père n’est pas un singe ? Histoire du créationnisme, Ellipses, 2008.

Le Livre d’Images, Alberto Manguel


Si bien rédigé et passionnant par les sujets abordés, cet essai d’iconologie reste un plaisir dans lequel on se plonge et replonge à l’envi… Alberto Manguel nous conduit avec précision et grande culture, de son style doux et fluide. Reprenant ce livre, j’ai lu le chapitre intitulé « Lavinia Fontana. L’image connivence ».

Le « Portrait de Tognina » par Lavinia Fontana sert de trame. Sur l’une comme l’autre, les informations sont rares et fragmentaires. Manguel s’attache à recadrer le portrait dans l’œuvre de l’artiste renaissante Lavinia, contemporaine du phénomène qu’elle peint.


Au-delà du portrait du « monstre » que l’on promenait de cour en cour, l’auteur nous emmène dans les labyrinthes de l’Histoire et sur les traces imperceptibles de l’émotion suscitée par l’image.
Alberto Manguel est né en Argentine où il fut lecteur pour Jorge Luis Borges avant de vivre dans divers pays. Depuis 2001, il vit en France et est le premier écrivain à y avoir donné son nom de son vivant à un CDI scolaire. Parmi ses distinctions il est Docteur Honoris Causa de l’Université de Liège.


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