Addis Ababa, Ethiopia & the Horn of Africa in Ancient Photography & Maps ⎢ Addis-Abeba, l'Éthiopie & la Corne de l'Afrique dans la photo et les cartes anciennes

Mois : février 2018

Le royaume du Prêtre-Jean dévoilé (4) : les débuts de la cartographie scientifique

 

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Profitant des inventions d’instruments de mesures et d’optique du XVIIIe siècle, la géodésie gagne en précision au XIXe siècle. La succession de levers topographiques par théodolite permet le dessin de réelles cartes. Le théodolite est la combinaison du goniomètre et de l’éclimètre, complété d’une boussole et d’un niveau à bulle. Le théodolite mesure les angles sur les plans horizontaux et verticaux ; il est le principal instrument de terrain en topographie par triangulation.

Le théodolite de géodésie a été inventé à la fin du XVIIIe siècle. Son usage est très simple. Au départ d’un point géodésique connu et placé à l’horizontale (niveau à bulle), il permet de mesurer les angles par rapport à un axe horizontal (triangulation), ainsi que les différences de niveau (nivellement) à l’aide d’une mire graduée ou par différence angulaire verticale.

ThéodoliteThéodolite 2

Théodolite 3

© USGC

Si la connaissance géographique de l’Ethiopie avait peu évolué pendant le XVIIIe siècle, ce n’était pas seulement imputable à la technique, c’est aussi parce qu’aucune (ou presque) information ne parvenait en Europe. Après que la présence portugaise en Ethiopie du XVIe et du début XVIIe siècle se fut soldée par l’expulsion des Occidentaux à partir de 1632, le pays s’enferma dans un relatif isolement, par rapport à l’Europe. Les premières informations à portée géographique parvenues en Occident furent celles de la relation de voyage de James Bruce, atteignant à Gondär en 1770  et de retour, par le Soudan, en 1794 en Grande-Bretagne (publication en 1790). Dans son récit, il affirme avoir découvert la source du Nil. En fait, il ne s’agissait que du Nil Bleu, qu’il avait remonté depuis le Lac Tana. Francisco Alvares, conduisant la première ambassade portugaise à atteindre l’Ethiopie (1520-1526), fut le premier à atteindre le Lac Tana, et sans doute le premier à identifier la source du Nil Bleu, qu’il l’atteignît ou pas. En tout état de cause, la carte de Ludolf (voir ici), antérieure d’un siècle au voyage de Bruce, indique la source du Nil Bleu, tout comme celle d’Almeida qui date de 1662 (ici). Toutefois, ce faisant, Bruce initialisait une course qui allait mobiliser les explorateurs en Afrique de l’Est pendant six décennies: la découverte des sources du Nil que l’on croyait dans les Monts de la Lune, vers le centre du continent, et qui ne disparurent des cartes que dans les années 1860.

Carte Bruce 1790

Coll. privée

 

Comme l’affirme très justement Jeffrey C. Stone, le XIXe siècle est l’âge d’or de la cartographie de l’impérialisme (A Short History of the Cartography of Africa, 1995, p. 47ss). En particulier le dernier tiers du siècle, alors que se prépare la ruée vers l’Afrique consécutive à la conférence de Berlin (1885). Mais l’Ethiopie fut cartographiée sans être colonisée. Russes, Italiens, Britanniques, Français apportèrent leur pierre à l’édifice géographique. La cartographie pénétra le territoire avec plus de succès que l’impérialisme occidental ; un premier jalon notoire fut posé par Henry Salt en 1910.

 

Petit Journal - tracé frontières-1

Coll. privée

 

Le royaume du Prêtre-Jean dévoilé (3)

Peu de nouvelles découvertes de terrain au XVIIIe siècle

Alors que la connaissance du terrain éthiopien ne se complétait guère, les techniques de mesure (triangulation…) et de cartographie progressaient. L’invention du niveau à bulle par Melchisédec Thévenot représente une des nombreuses étapes de la perfection de l’art du dessin géométrique et topographique au cours du XVIIIe siècle.

abyssinie-carte-dalmeida-collection-danville

Incluse dans la riche collection de Guillaume de Lisle, la Carte d’Éthiopie et de l’empire des Abyssins, autrement du prestre-Jan / faite sur les lieux par les R.R. P.P. Manoel d’Almeida, Affonso Mendez, Pero Pays, et Ieronimo Lobo, qui y ont demeurez long-temps (Manoel de Almeida (1578-1646), cartographe) constituait une source précieuse pour les cartographes du XVIIIe siècle et fut relayée jusqu’au XIXe siècle, âge des premiers développements de la cartographie de terrain. Ainsi, on le note sur la carte d’Abyssinie établie par Bonne en 1771, à quel point la carte d’Almeida

 

BONNE Abyssinie 1771

Bonne, carte d’Abyssinie, 1771, coll. privée

Cette période antérieure à la cartographie scientifique de terrain représente la préhistoire de la géodésie (γεωδαισία),  « la science qui mesure et représente la surface terrestre » (Friedrich Robert Helmert, 1880). Pour longtemps, cette science s’est attachée à résoudre les problèmes posés par la mesure de la terre, dimensions et forme.

La mesure de la terre trouve ses origines dans les travaux de Claude Ptolémée: la mesure de la longueur des jours au solstice d’été pour établir la latitude, par exemple. En revanche, la longitude posait un problème plus complexe qui demeura sans solution de haute précision jusqu’a l’aube du XXe siècle. La méconnaissance de la longitude avait induit Ptolémée à surdimensionner la Méditerranée de mille kilomètres. La correction fut apporté par l’humaniste provençal Peiresc.

Le travail du cartographe de terrain passe par deux types de mesures à reporter sur le croquis levé sur place: la triangulation et le nivellement (ou altimétrie). L’invention du chronomètre de marine (John Harrison entre 1735 et 1757) et la mesure de la longueur du méridien furent les étapes préliminaires nécessaires au travail de terrain pouvant conduire à une cartographie moderne et scientifique. Le récit de cette aventure de la géodésie est relaté avec beaucoup de précision par Claude Brezinsnki dans un ouvrage brillant (Les images de la terre. Cosmographie, géodésie…, Paris, 2010). Voir aussi ce lien.

 

 

 

 

André Armandy : écrivain, voyageur et photographe

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André Armandy, de son vrai nom André-Albert Aguilard (1882-1958) était un écrivain de romans populaires très en vogue à la fin des années 1920. Il séjourna en Ethiopie de décembre 1929 à février 1930 et tira deux livres de ce voyage: La voix sans disque (roman, 1931) et La désagréable partie de campagne (récit de voyage, 1930).

Le roman a été adapté au cinéma par Léon Poirier (réalisateur de La croisière noire 1926 et de La croisière jaune 1934) et projeté dans les salles parisienne en 1933 (voir). Jean-Dominique Pénel s’est penché sur l’oeuvre romanesque et son adaptation cinématographique dans un article de la revue Pount (n°11, 20107, pp. 179-207). Du récit de voyage d’Armandy, nous pourrons souligner le ton cynique et paternaliste, le propos dénigrant à l’égard de l’Ethiopie, et pas toujours très bien documenté.

« Les rues de la « Nouvelle Fleur », ou tout au moins ce qu’on y prétend tel, donnent à qui les voit pour la première fois, moins l’impression de voies publiques que de lits de torrents desséchés. Non qu’elles ne soient point empierrées -si elles pèchent, c’est plutôt par l’excès contraire- mais elles le sont de telle sorte qu’elles rappellent, en moins accessible, nos routes en rechargement avant le passage du rouleau. (…) La « Nouvelle Fleur » ,’a de la ville que l’importance que lui confère sont titre de capitale. » (La désagréable partie de campagne, pp. 110-112).

André Armandy, outre avoir décrit Addis Abäba avec suffisance et dans une verve saumâtre après y avoir promené un regard en surplomb, a pratiqué la photographie au cours de son séjour éthiopien. Je présente ici un échantillon de l’album photos de l’auteur que j’ai pu acquérir récemment. Certaines photographies comportent une légende au crayon sur le verso.

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La rue descendant d’Arada et du quartier européen vers le gebbi de Menilek que l’on aperçoit sur la colline en face (photo Armandy, 1930, coll. privée)

 

Ces deux portraits de l’écrivains ont-ils été pris par lui-même à l’aide d’un pied? Etait-il accompagné par une personne sachant manier son appareil photographique? La photo de droite est dépourvue d’une légende, mais il est aisé de reconnaître la célèbre pharmacie Zahn à l’arrière-plan, et un élément de la toiture du Grand Hôtel de Gleyze (voir ci-dessous).

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« Formation laborieuse de l’escorte d’honneur sur les quais de la gare », photo Armandy, 1930 (coll. privée)

 

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Le « Grand Hotel » de Georges Gleyze, où se tenait Armandy, sur la terrasse à hauteur de la fenêtre centrale du premier étage.

Josef Steinlehner à Djibouti (1913)

Josef Steinlehner était avant tout un éditeur de cartes postales et, nous l’avons signalé (), un pionnier des maxi-cartes. Au cours de ses voyages, il entretenait une correspondance avec des collectionneurs, laquelle nous offre des éléments chronologiques sur la vie du photographe-voyageur.

Toutes ses cartes, expédiées en voyage, sont numérotées (coins supérieur gauche). La calligraphie ne permet pas toujours un déchiffrement facile, mais les informations chronologiques et géographiques sont néanmoins ponctuées par des bribes de contenus. L’ensemble suggère un itinéraire.

Ainsi, nous savons que Josef Steinlehner était en 1909 en Grèce ou en 1925 en Turquie. Le voyage qui nous intéresse ici peut être ainsi reconstitué : Constantinople (date illisible), Chypre en décembre 1912, puis Jérusalem le 9 janvier 1913 et il arrive à Djibouti en mai 1913. Sur une première carte expédiée le 30 mai, il annonce s’installer à Djibouti dans le quartier de Dar es-Salam où il résida jusqu’à la fin août 1913. Cette carte porte le numéro 10 de la série expédiée à ce correspondant de Mühlhausen (maintenant Mulhouse, France).

STEINLEHNER Djibouti 1913 -1 recto-1 LRSTEINLEHNER Djibouti 1913 -1 verso-1 LR

 

Le lendemain, puis le surlendemain, deux autres cartes sont envoyées, qui se suivent dans la numérotation. La fréquence rapprochée des expéditions, ainsi que le peu d’information contenu sur les cartes, semblent indiquer que les textes sont prétextes à expédier les cartes postales qui doivent servir une collection ou un commerce philatélique. Sur l’une et l’autre carte, il paraphrase la légende imprimée au recto ; alors que sur la troisième (datée du 1.VI.13), il fait allusion à l’Abyssinie sans que j’aie pu comprendre précisément ce qu’il annonce.

 

 

Voyageur, mais pas toujours photographe

Nous avons déjà mentionné la carrière de photographe que Steinlehner a menée. Toutefois, cette série de cartes postales, expédiées de  Djibouti, ne sont pas son œuvre, mais bien des cartes achetées sur place. Il faut noter certains détails. Au cours de ses voyages, Steinlehner a pris l’habitude d’apposer un cachet multilingue à l’endroit de l’affranchissement, précisant que les timbres sont sur le recto (côté photo de la carte postale). De cette manière, il peut pratiquer comme avec une maxi-carte ou, comme c’est le cas ici, cacher des informations indésirables. C’est ce qui apparaît en comparant ces cartes expédiées par Steinlehner aux prototypes ci-dessous : le nom de l’éditeur ou du photographe a été recouvert par le timbre.

Ces deux dernières cartes postales ont été initialement éditées par le photographe d’origine indienne J. G. Mody, éditeur connu qui fut actif au cours des deux premières décennies du XXe siècle à Djibouti et en Éthiopie. Ses cartes furent ultérieurement rééditées par Gaston Brouillet (avec l’indication « cliché G. Brouillet ») et plus tard encore (vers 1925/1930) avec le crédit « cliché G. B. » au niveau de la division du dos. Celle montrant la danse des guerriers a aussi été colorisée, mais sans la moindre mention d’un éditeur.

Mody a édité d’autres cartes postales prises, selon toute évidence, au même moment et avec les mêmes acteurs que la « danse de guerre ‘Issas’ « .

 

 

 

 

 

 

 

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