Addis Ababa, Ethiopia & the Horn of Africa in Ancient Photography & Maps ⎢ Addis-Abeba, l'Éthiopie & la Corne de l'Afrique dans la photo et les cartes anciennes

Mois : janvier 2019

L’église de la communauté grecque d’Addis Abäba (Éthiopie)

La communauté grecque avant 1936

Très rapidement, dès ses premiers développements à la fin du XIXe siècle, Addis Abäba vit s’installer des communautés étrangères, occupant des tâches d’artisans et de marchands. Comme les Arméniens, les Yéménites et les Indiens, les Grecs, d’abord installés dans les ports de la mer Rouge (Obock, Djibouti, Zayla) et à Harär (dès le début des années 1880), arrivèrent progressivement à la cour de Menelik.

Selon l’explorateur écossais James Bruce, des Hellènes étaient déjà présents en Éthiopie lors de son passage (XVIIIe siècle). Toutefois, c’est l’avancée du chemin de fer franco-éthiopien, achevé entre Djibouti à Dire Dawa en 1902, qui fut un important vecteur de pénétration dans les terres. Des Grecs s’étaient ainsi engagés, pour diverses fonctions, sur le chantier de la voie ferrée, au départ de Djibouti. La première vague migratoire grecque (1889-1902) était essentiellement composées d’hommes venus se constituer un patrimoine numéraire et se destinant à rentrer dans leur pays et auprès de leur famille.

Au cours de la première décennie du XXe siècle, d’autres migrants grecs arrivèrent en Éthiopie, en famille cette fois, eux-mêmes nés en diaspora ou sans objectif de retour prochain. Un nombre plus important de familles arrivèrent à partir de 1916, qui s’installèrent en Éthiopie, à Addis Abäba en particulier, où elles furent à l’origine d’une communauté qui prit rapidement de l’importance par son dynamisme entrepreneurial et le nombre de ses membres, à l’instar de la communauté arménienne. Ainsi, à la veille de l’invasion italienne (mai 1936), la communauté grecque en Éthiopie représentait environ 3 140 des 14 580 étrangers répertoriés en Éthiopie (dont environ 6 000 vivaient à Addis Abäba) ; la deuxième plus importante communauté derrière les Arabes (4 000 personnes, essentiellement des Yéménites) et devant les Indiens (3 000 personnes) et les Arméniens (2 800 sujets).

C’est en 1918, sous les auspices du ras Täfäri, que les relations diplomatiques furent établies entre la Grèce et l’Éthiopie. Le premier consulat hellène, œuvre de l’avocat et député chypriote Hadjioannou, fit office de noyau autour duquel se constitua la communauté grecque, dotée d’une première église et d’une école. A ses début, la communauté grecque était administrée par un comité, dont le premier directeur élu fut l’ingénieur-architecte Michel Balanos, fonctionnaire des Travaux publics éthiopiens. Ce dernier fut actif dans la construction d’Addis Abäba encore au début des années 1930, et il exerça une activité de photographe amateur. Rapidement, une assemblée générale de la communauté modifia son mode d’administration en un comité élu de neuf membres. Le premier président de ce comité fut le Dr Jacovos Zervos, mandaté de 1918 à 1923, plus tard consul général de Grèce à Addis Abäba.

La communauté grecque d’Addis Abäba avait, entre temps, pignon sur rue. En témoignent des commerces comme la boutique Magdalinos Frères ou celle, voisine, de Ghanotakis, ou encore le garage Ford de la famille Paléologue et la « Pharmacie gréco-éthiopienne » fondée par Athanassiades en 1927. Ils furent nombreux à tenir des cafés, des magasins de tabac et alcool, des horlogeries, des « commerces d’articles pour indigènes »  ou commerces généraux d’importation…

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La boutique de Magdalinos Frères au coin de la rue du Gebbi et de la rue du ras Makwonnen à Arada (photo Chante, 1930)

 

Les Grecs étaient particulièrement actifs dans la construction et le génie civil. Nous avons cité l’ingénieur Balanos, auteur de l’hôpital Beit Sayda (1924) et du Lycée Mänän pour jeunes filles (1931). Catherine von Raesfeldt me signale, en dépouillant les sources russes, avoir rencontré un « M. Balanos », membre de la « Société Éthiopienne pour le Commerce et l’Industrie », appartenant au roi des rois Haylä Sellase, qui était responsable des négociations avec les Soviétiques, en 1932, pour l’importation de pétrole russe. Cependant, il serait mort la même année et remplacé par un Russe blanc pour conclure les transactions. De fait, nous ne trouvons plus de trace de Michel Balanos après cette date et il est donc probable que l’ingénieur grec de Travaux publics éthiopiens fut le même homme. L’entreprise de construction Myriallis (laquelle continua d’être active après guerre) fut chargée par Menelik, en 1907, de la construction de la basilique de Giyorgis (Saint-Georges) à Arada, conçue par l’ingénieur italien Castagna, sur plans de l’architecte grec Orphanidès.

C’est aussi un Grec, Andrea Kavvadia, qui fut le rédacteur du premier journal éthiopien (ou plutôt deuxième après celui de Gäbrä Egziabeher avant 1900), A’emero (connaissance), un hebdomadaire manuscrit de 1902 à 1903, ensuite imprimé.

Les Grecs d’Addis Abäba ont développé un lien particulier avec l’hôtellerie de la capitale. Le premier hôtel éthiopien (mais le second d’Addis Abäba, après l’Hôtel de France de M. et Mme Terras), l’Hôtel Impérial (aussi dénommé Hôtel Itege ou Hotel Taytu) fut géré par Stelios Bollolakos, aussi membre fondateur (1909) de la loge maçonnique « La Lumière d’Éthiopie », plus tard devenu titulaire du consulat de Grèce à Dire Dawa. Mais c’est en 1930 que l’hôtellerie de tradition grecque fut représentée par son fleuron, le Majestic Hotel de Stelios Papatakis, reconstruit en 1930 en prévision du couronnement impérial, et en remplacement de l’ancien édifice construit en 1928 pour accueillir les délégation au couronnement royal de Täfäri.

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Menu du 5 octobre 1912 (New York Public Library « Frank Buttolf Collection »)

 

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Le Majestic Hotel dans son premier état (carte postale, v. 1928)

 

Le Majestic Hotel reconstruit, lors du passage de la fanfare militaire, sans doute à l’occasion du couronnement impérial de 1930 (publiée dans L’Illustration n°4830 du 28 septembre 1935)

 

L’église grecque d’Addis Abäba

Le premier lieu de culte grec à Addis Abäba, une salle de prière rudimentaire en torchis, fut établi en 1910 et son premier desservant fut le prêtre Kostantinos, suivi du Père Artimos. Sous la présidence de Zervos, un terrain fut acheté à Gullele par le comité communautaire grec, destiné à accueillir le cimetière grec-orthodoxe, alors qu’un autre, sur la rue du ras Makwonnen (la route d’Arada à Arat Kilo), allait être affecté à l’église de la communauté hellène.

La première pierre fut posée en 1922, dans une cérémonie officielle à laquelle participait le consul-général de Grèce, Dimitri Nicolopoulos, mais la construction fut interrompue faute de ressources suffisantes. Les travaux reprirent en août 1926 et l’église, dédiée à Saint-Frumence, fut achevée le 28 novembre de la même année. Le premier office fut célébré le 30 novembre par l’archimandrite Arsenios. L’inauguration officielle eut lieu en 1928, en présence du negus Täfäri, futur Haylä-Sellase.

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L’église grecque Saint-Frumence d’Addis Ababa (© Serge Dewel 2018)

 

Toujours en 1928, un presbytère et des locaux destinés à l’administration de la communauté grecque furent construits à côté de l’église.

Depuis 1923, une école communautaire mixte, sise dans un bâtiment de location, dispensait l’enseignement primaire aux enfants de la commuté grecque. En 1930, le consul Zervos organisa une collecte au sein de la communauté grecque d’Éthiopie pour la construction d’une école. Celle-ci réunit 40 000 thalers auxquels le consul à Dire Dawa, Stelios Bollolakos, en ajouta 2 000 en 1935. En cette année, l’enseignement primaire grec-orthodoxe était dispensé à 42 filles et 57 garçons. La nouvelle école ne vit jamais le jour à cause de l’invasion italienne et de l’occupation d’Addis Ababa au printemps suivant.

 

Sources :

DEWEL (2018), vol. 1, pp. 213-216, 287.
NICOLOPOULOS Dimitri (1923)
PAPATAKIS Nico (2003)
ΠΡΟΚΟΠΙΟΥ Α. (1931)
ΧΑΛΔΑΙΟΣ Α. (2018) & http://greeksofafrica.blogspot.com/2017/
ZERVOS Adrien (1936)
Le Courrier d’Éthiopie en ligne  : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb327501365/date.r=le+courrier+d’ethiopie.langFR

Vintage Addis Ababa

Rassembler une collection de plusieurs milliers de photographies privées pour la création d’une archive visuelle d’Addis Ababa. C’est le projet que Wongel Abebe, Philipp Schutz et Nafkot Gebeyehu ont réalisé, jusqu’à la publication de l’ouvrage Vintage Addis Ababa en novembre 2018.

http://www.vintageaddis.com/

Lancé en juillet 2017, le projet se voulait autant documentaire qu’artistique. Les promoteurs et auteurs allèrent frapper aux portes, eurent à convaincre les habitants de la capitale éthiopienne d’ouvrir leurs tiroirs et albums familiaux et, de fil en aiguille, ressuscitèrent le passé de la ville. Ainsi, ce n’est pas le passé officiel, celui des dirigeants et des grands projets architecturaux qu’ils révélèrent, mais celui d’un peuple. Ce sont les images de tout un chacun qui sont ainsi mises en scène : au travail, en famille, lors d’un mariage ou à l’occasion d’un weekend ou des vacances…

Alors qu’aucune institution n’est en charge d’enregistrer la mémoire de la ville, nous ne pouvons qu’espérer que Vintage Addis Ababa sensibilisera les habitants à l’intérêt des documents qu’ils possèdent et suscitera des vocations de conservation. Espérons aussi, qu’à terme, les institution de recherche et de conservation comprendront l’intérêt de ces archives privées et sauront  rassurer la méfiance de tout un chacun afin de recevoir des fonds privés de plus en plus nombreux. En tout cas, l’initiative de Wongel Abebe, Philipp Schutz et Nafkot Gebeyehu ne pourra qu’en faciliter la réalisation.

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