Addis Ababa, Ethiopia & the Horn of Africa in Ancient Photography & Maps ⎢ Addis-Abeba, l'Éthiopie & la Corne de l'Afrique dans la photo et les cartes anciennes

Mois : novembre 2019

Le café d’Éthiopie : une tradition inventée

La découverte du café et l’origine de son usage se perdent dans les légendes et les traditions. Cependant, c’est sur les hautes terres de l’est et du sud de l’Éthiopie qu’il pousse de façon sauvage. Le caféier est endémique dans les forêts de plusieurs régions d’Éthiopie, et vous pouvez encore y observer des caféiers géants, arbres d’une douzaine de mètres de haut. C’est le botaniste Carl Linné, à la suite de Jussieu, qui a catalogué le Coffea arabica, originaire d’Éthiopie, en 1753 dans la famille des rubiacées.

Les pérégrinations du grain de café, depuis les rivages de la Mer Rouge jusqu’en Europe, sont assez bien documentées, tout comme l’étymologie arabe kahwa de notre mot café. C’est ainsi que l’on appelait le café au Yémen, d’où il partit à la conquête du monde. Certains ont voulu trouver dans Käfa, nom d’une province d’Éthiopie l’origine des mots café, coffee, caffè, Kafe, etc.

En amharique, le café se dit ቡና bunna. L’Éthiopie est sans doute la seule région du monde où le grain n’est pas désigné par un mot s’apparentant au kahwa arabe, sans doute précisément parce le café est originaire des haut-plateaux éthiopiens et que le mot arabe, prototype des autres termes le désignant, dérive du nom d’une province éthiopienne, par ailleurs toujours productrice de café, et dont provenait les premières baies arrivées au Yémen.

Selon les traditions éthiopiennes, les premiers à avoir consommé les baies étaient des religieux qui en faisaient usage pour faciliter les veillées de prières. De quelle manière préparaient-ils leur breuvage ? Nous ne le savons pas. En revanche, la façon dont les Ethiopiens mettent actuellement le café en scène est remarquable. Que l’on soit en matinée ou dans l’après-midi, si le moment est digne d’être souligné et prolongé, ce sera l’occasion d’une cérémonie du café.

Pour marquer le début de la cérémonie du café, une gerbe de papyrus ou d’herbes est défaite et jetée à même le sol au centre de la maison. La maîtresse de maison ou l’officiante s’assoit sur un tabouret bas face aux convives. Devant elle, disposés sur l’herbe : un plateau en bois à pieds (ou sous forme de coffret rectangulaire), le räkäbot, et deux braseros chargés de charbon de bois ; un des deux est couvert d’une plaque métallique pour rôtir les grains. Seule la quantité de grains de café verts nécessaires à l’occasion seront préparés ; le café n’est jamais torréfié à l’avance. Quand les grains sont jugés suffisamment rôtis, l’officiante se lève, la plaque métallique à la main, et passe auprès de chacun des convives afin que tous profitent de l’arôme du café fraîchement torréfié. Cela indique qu’il s’agit bien d’un café nouveau, spécialement torréfié pour l’occasion, mais la fumigation n’est pas dépourvue de vertus apotropaïques.

Alors qu’elle dispose une cafetière en terre cuite à long cou étroit, la ǧäbäna, remplie d’eau sur le même brasero, la maîtresse de cérémonie verse la totalité des grains grillés dans un mortier en bois et, toujours assise, broie le café à l’aide d’un pilon. Le second brasero reçoit par vagues successives des pincées de poudre d’encens, ou d’autres résines afin de purifier et embaumer l’air.

Lorsque l’eau entre en ébullition, la poudre de café est versée dans la cafetière, et le café mijote ainsi. Le second brasero avait reçu la même plaque métallique, mais cette fois chargée de maïs soufflé salé, parfois épicé. La première poignée de maïs est offerte aux herbes sur le sol, pour représenter les fleurs de la prairie. Plus d’une heure s’est passée depuis le début. Le café est maintenant prêt pour être servi dans de petites tasses sans anse, et le service sera renouvelé ainsi trois fois.

Dans les villages comme dans les villes, les azmari vont de maison en maison, accompagnant leurs chants de mélodies tirées du mäsinqo, une vielle monocorde dont ces troubadours jouent avec un archet. Très populaires et issus d’une tradition ancienne, ces troubadours, les azmari, vont de place en place, chantant des mélodies traditionnelles, connues par tous, ou encore improvisent des chants sur l’une ou l’autre personne présente, ou commentent un événement récent marquant, toujours en musique. Les azmari officient parfois à deux ou trois, accompagnés d’une chanteuse. Chants et danses se mêlent alors.

Cette cérémonie ainsi décrite n’est pas « traditionnelle », il s’agit d’une invention du XXe siècle. Pendant longtemps, la consommation du café fut l’apanage des musulmans et l’Église éthiopienne en interdisait l’usage.

S’il est impossible de fixer les origines de la consommation du café, différentes traditions locales continuent d’exister. Les Ethiopiens, dont nous avons évoqué la cérémonie du café plus haut, ne sont pas les seuls consommateurs traditionnels en Éthiopie. Les Wäyṭo qui vivent de la pêche et du bois sur les rivages et îlots du lac Ṭana, consomment le café sous forme d’infusion de la gangue de la fève ou des feuilles. Le grain est vendu sur les marchés. Les Hamar, dans le sud de l’Éthiopie, consomment les baies vertes, simplement écrasées, dans une infusion chaude, servie dans une large calebasse.

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Les baies de café vert sont rôties pour être torréfiées (photo SD, 1998)

Une tentative belge de colonisation en Éthiopie (1840-1842)

Une tentative belge de colonisation en Éthiopie : le voyage du consul-général Blondeel (1840-1842)

Édouard Blondeel van Cuelebroeck (Gand, 14 décembre 1809 – Madrid, 18 septembre 1872) fut nommé, en 1837, consul (puis consul-général) du royaume de Belgique à Alexandrie, auprès du vice-roi d’Égypte Muhammad-Ali. Il eut à cœur de rassembler des informations et témoignages sur les régions de la mer Rouge. Avec l’aval du souverain Léopold Ier et du gouvernement belge, il entreprit un voyage d’exploration en « Abyssinie », de 1840 à 1842. L’objectif de son expédition en Érythrée et en Éthiopie était, sans aucune équivoque, l’établissement de comptoirs commerciaux et d’une colonie belge.

Blondeel, à la suite de Combes & Tamisier et Lefebvre, voyagea en Éthiopie en même temps que les frères d’Abbadie et les officiers Ferret et Galinier ; il se trouvait ainsi en Éthiopie pendant le laps de temps qui sépare les deux voyages de Rochet d’Héricourt. Contrairement à la plupart de ses contemporains, Blondeel ne fit pas publier le récit de ses aventures ou ses observations, nonobstant les nombreux rapports envoyés en cours de mission et le rapport général de mission rédigé en 1843 après son retour.

Bien qu’absolument pas inconnu, cet épisode n’a, pour ainsi dire, pas été étudié ; peut-être aussi à cause du non aboutissement de la tentative coloniale. Hormis quelques mentions de cette expédition dans des articles des années 1900-1920 consacrés à l’histoire coloniale belge, une seule étude a été publiée, en 1953. Cette monographie, qui fut ensuite citée par d’autres auteurs, s’appuyait sur une copie manuscrite et postérieure de 50 ans du rapport général de Blondeel datée de 1899 et sur des copies de lettres, mais pas sur les documents originaux qui ne sont pas cités. Nous avons retrouvé les documents originaux (rapport et lettres) aux Archives du Palais royal de Bruxelles dans le Cabinet de Léopold Ier (et quelques lettres originales dans les Archives des Affaires Étrangères).

Dans les rapports et lettres du consul-général, nous retrouvons les grandes figures politiques éthiopiennes de l’époque, rencontrés au hasard des routes ou dans les cours seigneuriales d’un État alors très décentralisé: ras  Ali, Wәbe du Sәmen, Gošu du Gojjam…

 

Édouard Blondeel van Cuelebroeck 
(lithographie de J. SCHUBERT, Cabinet des Estampes de la Bibliothèque Royale)

 

ZZ Annexe 05-001

Note manuscrite du roi des Belges Léopold Ier apposée sur une lettre de Blondeel (APR)

 

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